Pourquoi Zemmour est-il aussi clivant ?

28/09/2021

ZOB. Un mot pour résumer l'idiotie de ce qui n'a de contradictoire que la volonté de l'être. C'est pourtant la seule manière, parmi l'immensité de ce qui existe, que la journaliste Charline Vanhoenacker a choisi pour exprimer son opposition face à la potentielle candidature d'Éric Zemmour.

Le réflexe de nazification qui a suivi, propre à ceux pour qui le recours à la facilité épouse la bêtise sera étudié plus loin dans cet article.

Il ne sera pas question ici d'aborder le fond des propositions du potentiel candidat à l'élection présidentielle, mais d'analyser la manière dont son discours est reçu par la population et identifier les causes du violent clivage qui en découle.


    Sur le papier, s'il fallait présenter Éric Zemmour à un électeur pour qui il n'est qu'un parfait inconnu, il semble avoir tout pour séduire. Une constance tout d'abord, au gré des événements, des enjeux, des pressions parfois. Un franc parler ensuite, essentiel, languis par une frange importante de la population, notamment abstentionniste. Mais au-delà encore, une franchise d'attitude, de démarche. Il n'est pas question pour Zemmour d'entrer dans des débats journalistiques de comptoir, ni dans les querelles d'égo bien trop repandues dans le jeu politique actuel. Hors de toute alliance confortable, opaque à toute volonté de sombrer dans la démagogie, il brise la lassitude d'un électorat qui s'est trop longtemps senti exclu des enjeux sociétaux et politiques. Zemmour n'a pas pour ambition la séduction stérile mais bien la présentation d'objectifs qui lui semblent essentiels pour l'avenir pérenne de la France. Il rompt avec les promesses vides de sens, formulées comme l'on fait la cour. Au contraire il y préfère les discours basés sur du factuel présent comme passé. Ce contrepied éveille la curiosité, suscite l'intrigue, rassemble les convaincus. Dans le même temps, certains s'inquiètent, se révoltent, luttent contre ce personnage au-devant de la scène politique.

Ainsi donc pour une partie de la presse, des hommes et femmes politiques et de la population, Éric Zemmour serait un personnage raciste, dangereux, haineux, radical, voir même un futur dictateur.

    Il y aurait d'une part ceux qui comprennent et saisissent les tenants et aboutissants de chacun de ses raisonnements ; et parmi eux ceux qui adhèrent à son projet politique, et ceux qui, tout en considérant que ses idées sont globalement audibles, n'y adhèrent pas ou du moins dans une mesure trop faible pour devenir des soutiens. D'autre part ses détracteurs qui sont engagés dans un combat anti-Zemmour, il y a ceux qui s'opposent fermement à sa vision de la France, et ceux qui en plus de s'opposer aux idées, en font des raccourcis tels qu'ils incitent à la haine et débordent trop souvent de ce qui a réellement été voulu dire par le chroniqueur. Pourtant, même s'ils basent leurs opinions sur des idées erronées qui ne correspondent pas à ce qui a tenté d'être dit, le feu prend immédiatement. Voilà que la haine anti-Zemmour se répand avec une facilité déconcertante et met en danger le débat démocratique. Pour expliquer ce phénomène, il y a deux axes à envisager : le premier est le type d'opposants, le second est la façon de s'opposer.

Sur le type d'opposants :

Il est possible d'en identifier 3 :

  • Les opposants sincères : l'intérêt et la curiosité de ces opposants ne manquent pas à l'appel. Ils sont dès le départ dénués de toute volonté d'opposition, ils entament simplement une démarche sincère de découverte du personnage Zemmour dont ils entendent tant parler. Ils lui « donnent sa chance » sans céder à l'appel de la révolte facile. Mais, dans ce parcours de découverte, les idées du potentiel candidat s'heurtent aux sensibilités diverses, aux convictions ancrées, aux antipodes de pensées. Souvent aussi, à une mauvaise compréhension dont les causes sont soit une mauvaise réception par la personne, soit une mauvaise transmission de l'idée -il est vrai qu'il est nécessaire qu'Éric Zemmour ait le temps d'exposer ses opinions car elles s'inscrivent dans un raisonnement complet qui prend son sens que lorsqu'il est abouti. Pour exemple récent, lors du débat avec Jean Luc Mélenchon sur les questions d'immigration il est fort probable que le format « débat en plateau » n'ait pas permis au candidat de développer son argumentaire de manière suffisante pour que ceux qui ne connaissent pas de lui ses prises de positions et leurs explications se sentent perdus. Le désaccord est plus propice sur les fragments d'idées pris isolement que lorsqu'ils sont envisagés dans leur ensemble. Ici probablement il y a-t-il pour lui un axe d'amélioration à envisager dans le cadre de sa candidature, si elle s'officialise.
  • Les opposants manipulateurs : il y a bien là quelque chose d'infiniment triste lorsque, palliant un manque d'arguments solides et l'incapacité d'établir un contradictoire, l'on feint de ne pas comprendre ce qui est dit et ainsi tenter de décrédibiliser celui qui s'est donné la peine de réfléchir. Ils espèrent qu'une incompréhension hypocrite affichée comme sincère devienne une compréhension qui les arrange, aux yeux de ceux qu'ils veulent convaincre de se rallier à leur opposition. L'affaire des prénoms en est le parfait exemple : l'opinion d'Éric Zemmour sur ce volet de l'assimilation que serait le port d'un prénom figurant dans le calendrier chrétien -comme ce fut une obligation jusqu'en 1993 - est fortement décriée. Alors que ce qu'il faudrait comprendre est l'importance d'une assimilation désirée et sincère, d'un attachement certain à la terre sur laquelle l'on vit, l'ensemble de la construction du discours du candidat potentiel est résumé à une volonté d'interdire les prénoms musulmans. Ce postulat impliquerait que les prénoms d'origines diverses (indienne, japonaise, américaine...) seraient, eux, tolérés ; mais aussi que les personnes vivant actuellement en France se verraient dans l'obligation de changer de prénom. Il n'a pourtant jamais été question de cela, et réduire une vision des choses, peu importe qu'elle emporte, ou pas, les convictions, à une pierre ajoutée à un projet antimusulman est tout à fait alarmant. Ne vous méprenez-pas, les opposants manipulateurs ont parfaitement compris le réel sens de la pensée Zemmourienne, mais, n'y adhérant pas, ils choisissent de la caricaturer voir même ici de l'aliéner. La mauvaise foi intellectuelle dont ils font preuve est si grossière qu'en finalité, ils se déprécient plus qu'ils ne se grandissent dans le débat d'idées. Dans le cadre des débats démocratiques il est tout à fait permis d'être dans le désaccord, moins dans la détestation ouverte et grasse. Il ne s'agit pas de boire les paroles de tout ceux qui ont un avis sur le monde, mais de faire preuve d'honnêteté intellectuelle face aux discours audibles et objectivement construits.
  • Les opposants faciles : ils n'existeraient surement pas sans les opposants manipulateurs. A vrai dire, ces opposants là ne cherchent ni à écouter, ni à comprendre, et encore moins à expliquer leurs désaccords. Peut-être en sont-ils tout simplement profondément incapables et c'est bien là ce qu'il y a de plus dramatique. Il n'y a même pas le mérite de l'essai, ils sont hors débats car font preuve de mauvaise foi intellectuelle. Ils se contentent de coller leurs oreilles aux murs et ébruiter les bruits de couloirs qui leur plaisent. Sans surprise, ceux leur permettant d'épouser une révolte ou une lutte quelconque ont souvent plus la côte que les autres. Il n'y a aucune volonté de se renseigner dans le cadre d'une démarche personnelle, ils ne sont animés d'aucune forme de curiosité et se complaisent dans l'adhésion facile aux convictions d'un autre, tant qu'elles sont en vogue. Ils pensent devenir quelqu'un et appartenir à la poignée idéalisée de ceux qui changent les sociétés. Cela suffit au confort qu'ils trouvent dans l'ignorance. Pourtant ils affichent une position si vigoureuse, si ferme, si violente parfois, répétant avec brio ce qu'ils ont entendu la veille, que l'on pourrait presque croire qu'ils ont réellement étudié les sujets qu'ils contestent. Il convient, pour discerner les opposants sincères de ceux faciles, de les encourager à expliquer leur colère. Les réponses approximatives, incohérentes ou/et factuellement fausses témoignent du désastre qui suit le phénomène du « bouche à oreille ».

Sur la façon de s'opposer :

Il y aurait 2 formes prédominantes d'opposition qui sont intimement liées :

  • La nazification automatique : témoin malheureux d'une fragilité culturelle affolante de ceux qui l'utilisent à tort et à travers, la nazification automatique est la conséquence d'une polarisation des idées. Il y a d'un côté ce qui est bon de penser, et de l'autre ce qui est mal. Rien de plus enfantin donc, et gare à celui qui s'en écarte ne serait-ce même que par le doute car il se retrouvera catégorisé de militant d'extrême droite. Plus fin encore, vous vous devez de détester ceux qui sont étiquetés - à tort ou non, cela n'a pas d'importance pour eux - d'extrême droite, à peine d'être vous-même extrémiste donc objet de détestation ! Il est toujours bon de noter que dorénavant, ce n'est pas la pensée qui fait le projet politique, mais la décision des opposants. Ainsi, la gauche et l'extrême gauche s'offrent la possibilité de décréter ce qui est d'extrême droite et ce qui ne l'est pas.
  • La standardisation des idées : il ne semble plus être autorisé de penser différemment de ce qui a été standardisé par les nouveaux gourous de la bien-pensance. Il est de bon ton de nos jours d'ériger en espèce de principes fondamentaux de l'humanisme des courants de pensées émergents qui tendent à trouver oppression et injustice dans tout ce qu'ils touchent du bout des doigts. Ces standards sont imposés sans même qu'il soit possible d'en débattre : cela leur confère une position plus que confortable car dans cet entre-soi moralisateur les désaccords n'existent pas. Ainsi, les confrontations sont évitées, et dès lors la possibilité de mettre en évidence des incohérences ou des erreurs dans leur système de pensée n'est pas. Il est bien plus simple d'être gagnant sans adversaire mais sous les congratulations de ceux qui nous ressemblent. Ce biais d'opposition est particulièrement attractif pour ceux qui ne sont pas prêts à réfléchir sur eux-mêmes, à affronter l'idée de l'autre mais qui ont néanmoins besoin d'appartenir à un mouvement de pensée. Ils s'y greffent et se parent d'un voile d'humanisme exagéré dont seuls eux ont la définition.

L'ère est à la facilité dans la détestation, et Mathieu Bock-Côté l'explique tout à fait lors de ses interventions dans l'émission « il faut en parler ».

Ainsi, Éric Zemmour est au centre de clivages importants et fait face à de violentes oppositions dont le mécanisme s'explique tout ou en partie par ce qui a été évoqué précédemment. Malgré cela, le dernier sondage d'intention de vote publié par Harris Interactive indique que le candidat potentiel rassemble 13% des intentions de vote contre 11% la semaine précédente. Une tendance semble se dessiner, celle d'un électorat qui découvre ce qui s'apparente à un futur programme de campagne et s'y retrouve.

L'opposition est essentielle pour le bon fonctionnement d'une démocratie, mais pour être légitime et avoir une réelle résonance, elle se doit d'être intellectuellement de bonne foi.


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