Interdiction du port du voile dans l’espace public : pourquoi est-ce une mauvaise mesure ?

-Débat ouvert en commentaire ou par mail avec possibilité de répondre via un article que je publierai dans une section débat bientôt créée -
Qu'il est délicat de légiférer sur les religions. Et pour cause, dès
lors qu'il s'agit de poser un nouvel interdit ce dernier doit tout
naturellement supporter un raisonnement clair, implacable et applicable uniformément
aux trois principales religions monothéistes. A défaut la mesure apparaît inévitablement
comme discriminatoire et perd toute légitimité au sein du débat public. C'est à
cette observation fondamentale que s'est heurtée la proposition de la candidate
aux Présidentielles Marine Lepen d'interdire le port du voile dans l'espace
public. Afin de comprendre en quoi cette mesure est une mauvaise mesure qui a
contribué à l'échec de la candidate, il nous faut raisonner en trois temps.
Tout d'abord, parlons du constat dressé par le Rassemblement National et partagé largement par ses militants mais aussi par de nombreux citoyens appartenant à d'autres partis politique ou n'appartenant à aucun. Leurs observations convergent autour de plusieurs constatations : la prolifération du voile et ses dérivés l'espace public, son instrumentalisation, le combat féministe qui y est souvent rattaché, les revendications politiques anti Occident qui y sont parfois liées, l'appartenance à la religion musulmane d'une large partie des délinquants, le rejet de l'esprit Français dans certains cas, les attentats terroristes perpétrés au nom d'Allah (...). J'appellerai cette liste non exhaustive le « Bloc anti-démocratique ».
Pourtant l'ensemble de ces
constatations pose deux difficultés. Individuellement, elles ne sont que
limitativement défendables, et collectivement elles deviennent inaudibles. En
effet, combien de contre-exemple pourrions-nous tous citer ? Combien de
femmes portent le voile par conviction religieuse indépendamment de toute
pression ? Combien de musulmans français et tout à fait intégrés, discrets
dans leur pratique et respectueux de leur pays et ses institutions ?
Combien de musulmans étrangers, qui travaillent temporairement sur notre
territoire, sans relâche, dans des tâches parfois ingrates afin d'envoyer un
peu d'argent à leur famille restée au pays, et vivant dans le plus grand
respect de la France ? Combien de musulmans accablés par la bêtise de certains
membres de leur communauté, qui alimentent par leur comportement les
constatations précitées ? Que dire encore de Latifa Ibn Ziaten, cette
femme musulmane voilée qui a perdu son fils lors d'une attaque terroriste en 2012 ?
La aussi, cette liste n'est pas exhaustive et je nommerai l'ensemble de ces
exceptions les « Exemples démocratiques » -à comprendre comme des
exemples dans son sens premier mais aussi dans son sens second, c'est-à-dire celui
de l'exemplarité.
Parce-que ces éléments de contradictions existent, parce-que ces multiples exceptions sont bien réelles, le raisonnement sur lequel repose l'interdiction du port du voile dans l'espace public est fragile. Il se veut lutter contre l'idéologie islamiste et la haine anti-français, mais y échoue inévitablement.
Mais aussi, en sus du caractère inaudible, trop vague et assorti d'exceptions importantes du raisonnement sous tendant une telle proposition, son échec se caractérise par son manque d'uniformité. Il n'est en effet pas transposable au port de la Kippa dans l'espace public, car aucune des constations précitées ne pourraient y être rattachées. Il en va de même pour le port de la croix ou le voile chrétien. Sûrement en aurait-il été de même dans un autre temps et un autre contexte pour le port du voile : la pratique de leur foi par les femmes qui souhaitent se voiler ne posait en tant que tel aucune difficulté dans les années 60 par exemple.
Ce n'est donc définitivement pas le voile en lui-même la clé de la lutte contre le terrorisme, le communautarisme, la délinquance ou la haine de l'Occident (...), il n'est pas sage de considérer le contraire.
Dès lors, une telle mesure est discriminatoire et ne peut pas prétendre à s'inscrire dans le cadre d'une démocratie, à fortiori dans le pays des Droits de l'Homme. Lui seront en outre opposés la laïcité via le principe de liberté de conscience et de culte, en ce que l'Etat ne doit pas distinguer les citoyens selon leurs croyances, mais également le poids du reproche de l'islamophobie, qui une fois asséné laisse de dangereuses traces. Les plus à cheval sur le système institutionnel affirmeront, certainement à raison, qu'une telle proposition de loi ne serait jamais adoptée, et le cas échéant retoquée par le Conseil Constitutionnel, tant dis que les plus sentimentaux décrieront une mesure injuste, injustifiable et inéquitable en plus d'être anti-démocratique.
Mais alors, si une part des constatations évoquées en début d'article souffrent de nombreuses exceptions rendant leur traitement compliqué, il n'empêche que corrélativement une partie d'entre elles sont belles et biens irréfutables et qu'il faut s'atteler à lutter contre ces phénomènes.
A mon sens interdire le port du voile est une proposition en grande partie dénuée de sens, condamnée à ne jamais s'appliquer, et quand bien-même ne serait-ce pas le cas demeurerait infructueuse en ce qu'elle ne traite pas la cause mais une de ses conséquences. Il me semble plus opportun, pour combattre l'ensemble des éléments en parti listés et contenu dans le Bloc anti-démocratique, tout en assurant aux « Exemples démocratiques » une vie dans la paix et la sécurité, de s'attaquer à son système d'alimentation.
Il s'agirait tout simplement de rendre la France bien moins attractive que ce qu'elle n'est, et bien plus ferme que ce qu'elle prétend être.
Plusieurs mesures doivent être étudiées, certaines le sont déjà toutes ou en partie au cœur des divers programmes électoraux. Elles ne seront ici données qu'à titre indicatif, se voulant une piste de réflexion plus qu'une analyse complète et maturée.
- La fin du pardon excessif : reconnaître les cruautés et « à côtés » de l'Histoire, oui. L'effacer ou s'autoflageller éternellement, non. Plus d'excuses larmoyantes à tort et à travers, plus de déboulonnages de statues, plus de censure des controverses historiques (...). La culture de l'excuse permanente et de l'ode à la victimisation alimente le sentiment de rancœur des descendants de ceux ayant connu la guerre, la colonisation ou l'esclavage. Il est bon de condamner les horreurs, il est surtout primordial d'œuvrer pour qu'elles ne se reproduisent plus jamais. Le reste, c'est du pipotage, de la faiblesse face à l'Histoire, qui a de tout temps été cruelle : chaque conquête, chaque bataille, chaque système institutionnel est coupable de souffrance, de pauvreté, de crimes. Il faut néanmoins être fier de son pays, lutter contre le retour des erreurs passées et admettre que parfois l'Histoire ne s'arrange pas des considérations du cœur, aussi terrible soit-il.
- Contrôle de l'immigration : qui rentre ? Qui sort ? Combien de temps et sous quelles conditions ?
- Contrôle de l'acquisition de la nationalité : établir des conditions strictes d'acquisition de la nationalité français car une nationalité se gagne, ce n'est pas une simple formalité. La difficulté de l'obtention fait la fierté de ce qui y parviennent. L'obtention de la nationalité doit être une chance, le bout d'un chemin rigoureux qui témoigne de la volonté réelle d'être français. La fierté nationale est un élément très important et répandu dans de nombreux pays, elle contribue au sentiment patriotique essentiel au bon fonctionnement d'un Etat. Combien de français aujourd'hui se sentent suffisamment concernés et attachés à la France pour s'engager volontairement dans le cadre d'un conflit armé pour défendre le pays ?
- Une vraie fermeté : augmentation des moyens policiers, veiller à l'applicabilité des peines, réformer le code pénal des mineurs, construire de nouvelles prisons, conditionner limitativement la liberté conditionnelle et les remises de peines (...) En somme un ensemble de mesures permettant de lutter contre le laxisme et la certitude que les actes délictuels ne seront pas punis ou très faiblement. Il s'agit de mettre fin aux allers-retours en GAV qui contribuent à décrédibiliser l'autorité de la police, de mettre fin aux rappels à la loi ou aux travaux d'intérêt général sur une période si courte que cela fait l'effet d'une mission intérim mal payée. La liste est non exhaustive, mais l'axe principale est le retour d'une vraie fermeté, le système pénal ne doit pas être attractif pour la délinquance et décrédibiliser nos institutions.
- S'attaquer au commerce souterrain : il s'agit ici des réseaux de vente de drogue ou d'armes, ainsi que le commerce sur le darkweb. En 2022 un volet important d'un programme efficace doit prévoir le contrôle de ces réseaux d'une part mais aussi l'amélioration des compétences informatiques et ainsi traduire la volonté de devenir un pôle stratégique en la matière de traçage et de recherche de la délinquance souterraine. Le génie et la puissance informatiques auraient bon droit de trouver une place de choix au sein du prochain quinquennat, d'ailleurs certainement sommes-nous déjà bien trop en retard et il s'agirait de ne pas l'accentuer.
- Contrôle administratif : contrôle aigu des aides distribuées de toute nature, conditionner certaines telles que le RSA afin que leur cumul éventuel soit strictement limité et qu'il ne soit pas plus intéressant de vivre des aides plutôt que du travail, lutter contre la fraude sociale, réforme complète du système administratif afin de le rendre plus efficace et minimiser les délais de traitement. A nouveau l'objectif est de rendre la France et son administration moins attractives, sachant que l'attractivité est due à son inefficacité, sa lenteur, son incompétence, le manque de contact entre les administrations, la facilité de fraude, le manque de contrôle. Il ne s'agit pas de couper les aides mais de les réguler impérativement et de façon contrôlée et efficace, pour gagner plus ou vivre mieux il faut travailler, c'est le palier qui suit celui des aides.
- Maintenir les interdictions actuelles applicables à toutes les religions
C'est ainsi que j'identifie les
principaux axes à travailler afin de lutter efficacement contre le Bloc
anti-démocratique. Difficile de s'établir et encore plus d'y avoir de mauvaises
intentions si le pays contrôle ses arrivées, ses aides, fait preuve de fermeté
et de rigueur en matière de délinquance et applique les peines prévues par la
loi. C'est donc en toute évidence que je considère que s'attaquer au port du
voile est une mauvaise mesure, injuste, discriminante et fondamentalement erronée.