Du reconfinement ou l'art de la procrastination 

30/01/2021

Vendredi 29 janvier 2021 au soir, la France -du moins, ceux d'entre nous qui n'ont pas encore perdu le fil de la crise sanitaire- est suspendue aux lèvres du Premier ministre Jean Castex qui prend la parole à l’issue du conseil de défense qui s'est tenu en fin d'après-midi. L'air pressé, le visage fermé, à cet instant tout porte à croire qu'un reconfinement -quelle que soit sa terminologie-, soit annoncé.

Tout d'abord, la récente résignation des Français, qui, selon un sondage de l'institut IFOP pour CNews, auraient été favorables à un reconfinement strict à 53%, mesure bien préférable à un statu quo. En effet il vaut mieux, au stade que l'on connait de l'épidémie et l'arrivée de nouveaux variants, anticiper la situation en confinant de façon stricte, tout en assurant une stratégie vaccinale optimale. Pénible certes, mais cette mesure aurait à minima permis d'entrevoir la possibilité d'un printemps (et un été !) plus libre, avec des restrictions moindres, des hôpitaux moins chargés, et une meilleure maitrise de l'épidémie.

Les murmures auraient-ils atteints l’Élysée ? C'est du moins ce que laisse présager la tenue en urgence du Conseil de défense en fin d'après-midi, alors qu'il n'aurait dû avoir lieu que le lendemain. Plusieurs ministres sont à l'appel comme Olivier Véran, Bruno le Maire ou Jean Yves Le Drian pour ne pas les nommer. A noter cependant qu'à l'issue de deux semaines intensives ponctuées d'apparitions TV et discours moelleux, Frédérique Vidal est aux abonnés absents. La détresse étudiante, véritable préoccupation du gouvernement, ou tourmente orchestrée ?

20H, on entendrait presque du calme de l'océan se détacher un clapotis, celui d'une goutte de pluie isolée. Et puis, rien.

L'image est insignifiante, tout comme les annonces faites par le Premier ministre. L'écart entre le comportement alarmiste du gouvernement de ces derniers jours et les timides nouvelles restrictions annoncées interpelle.

Au pays de l'imperceptible, peut-être que la mesure qui l'est le moins est celle de la fermeture des frontières aux voyageurs des pays hors UE. Si l'idée de restreindre la circulation aux frontières touche à un pan idéologique propre à la France et dont peu de politiciens osent se dresser contre, il s'agit tout de même d'une première mesure qui rompt avec de solides résistances politiques. Pourtant, en temps de crise, avec une population en souffrance qui se dit prête à un ultime sacrifice sur une durée courte mais qui attend des mesures efficaces et intelligentes, à quoi celle-ci rime-t-elle ? Pourquoi ne pas être allé au bout de la restriction en fermant les frontières à tous les pays ? Même si l'efficacité de cette mesure, dans le cas où elle serait prise, est à débattre -la France compte tout de même 438 000 travailleurs transfrontaliers-, cette décision aurait au moins eu le mérite de témoigner d'une volonté réelle de prendre des mesures permettant de donner un vrai coup de frein à l'épidémie.

La seconde restriction qui entre en vigueur dès dimanche 31 janvier 2021 est la fermeture des centres commerciaux de plus de 20000m carré. Ces mêmes centres commerciaux, aux restaurants vacants, et dans lesquels il faut se laver les mains à chaque pas de porte de magasin, magasins qui limitent le nombre de clients, et obligent le port du masque. Ces centres commerciaux qui peuvent, à l'instar de Polygone Rivera à Cagnes-sur-mer, être situés en extérieur, ce qui les différencie difficilement d'un simple centre-ville, qui ne connait à ce jour pas de restrictions. Plus encore, aucune donnée ne permet de considérer que dans le rapport surface/brassage de population, le ratio est plus élevé dans un commerce tel que Leroy Merlin, plutôt qu'à Sephora. Si cette décision revêt d'une quelconque pertinence s'appuyant sur des recherches scientifiques pragmatiques, nul doute qu'il aurait fallu les exposer aux Français.

Certains considèrent que ces décisions témoignent de la prudence du gouvernement, qui ne cède à aucun affolement et privilégie l'économie. Encore faut-il se demander si, le cas échéant, ne la préserve-t-il pas ici que sur du court terme.

En réalité, il s'agit ici d'électoralisme maladroitement conduit. Face à une issue inévitable dont on connait tous la teneur, retarder de quelques jours, sur une brève durée de temps, les allocutions, les Conseils de défense ; multiplier l'invention de nouveaux types de confinement, « serré, hybride, léger » ; bousculer les emplois du temps et les rencontres entre professionnels de la santé, étudiants, restaurateurs... tout cela relève d'une volonté de dégager l'image d'un gouvernement qui cherche la meilleur solution et qui fait de la question du reconfinement sa priorité. Dans ce climat, qui se veut teinté d'implication et de compassion envers la population qui souffre, Emmanuel Macron, que l'on sait hostile au reconfinement, souhaite sans aucun doute donner l'impression que lorsqu'il annoncera l'inévitable, il le fera par contrainte, à contrecœur.

L'actuel Président de la République prépare sa candidature de 2022, en homme du peuple qui souffre des décisions qui lui incombent, et qui accompagne l'évidence de mise en scènes grotesques afin d'éviter que lui soit imputé la souffrance d'une nation.

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